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Estimer l’évolution future du littoral martiniquais à partir de l’exemple des îlets*

Savane des Pétrifications

Pour avoir une vision prospective de l'évolution du littoral martiniquais, il est possible de le modéliser. Cette opération s'avère cependant relativement coûteuse. En l'attente des financements nécessaires a ce type d'opération, pourquoi ne pas se référer aux transformations des îlets qui bordent la Martinique ?

En effet, de par leur exiguïté et les liens étroits qui existent entre les différents compartiments de leurs écosystèmes, ces milieux semblent révélateurs de mécanismes se développant à de plus vastes échelles. Ils peuvent donc être considérés comme de véritables modèles d'étude. Ainsi, en extrapolant leur évolution à l'échelle de l'île de la Martinique, nous pourrons estimer, par exemple, l'évolution future du littoral martiniquais.

Quelle que soit leur superficie [ l'îlet Chancel (commune du Robert) s'étend sur près de 70 ha, alors que l'îlet Lapin (commune du François) atteint à peine 0,3 ha ], les îlets sont soumis à une, sur-expression des conditions climatiques, hydrodynamiques marines et anthropiques.

A titre d'exemple, ils reçoivent en moyenne, chaque année, 800 à 1000 mm de précipitations, alors que la frange la plus sèche du littoral martiniquais (de la presqu’île, de la caravelle à celle de Sainte-Anne) reçoit 1100 à 1200 mm de précipitations. Quand une commune littorale est érodée par les houles, par exemple, sur les îlets (en raison de' leur faible superficie) tous les facteurs hydrodynamiques marins (houles, marées et courants) s'associent pour faire reculer la côte. Enfin, la moindre altération des caractéristiques naturelles des îlets (déboisement ou prélèvements sableux, par exemple) peut avoir des conséquences graves pour l'ensemble du fonctionnement du système.

Cette sur-expression des facteurs naturels et anthropiques permet d'apprécier sur une courte période, les transformations susceptibles d'affecter le littoral martiniquais au cours des prochaines décennies.

Les îlets Cabrit (Sainte-Anne), Frégate et Lapin (François), par exemple, synthétisent parfaitement les dégradations qui sont susceptibles d'affecter les côtes sud et sud-est de la Martinique, si rien n'est fait pour les protéger. En l'absence de mesures de protections drastiques, on peut d'ores et déjà prévoir une raréfaction du couvert végétal (cela risque d'être assez rapide du fait des dégradations consécutives à l'action des campeurs et des cabris sauvages), une érosion du substratum (disparition de la couche terrigène supportant le couvert végétal) et, à long terme, l'apparition d'un paysage ruiniforme s'apparentant à celui de la Savane des Pétrifications, par exemple. La côte reculera aussi à un rythme soutenu, car moins le substratum sera protégé et plus l'énergie houlographique sera durement ressentie.

Ces observations n'ont pas pour but d'alarmer la population, mais d'inciter les décideurs environnementaux à se référer à de véritables modèles insulaires tropicaux : les îlets de la Martinique.

Cette première étape nous permettra de rompre avec la tradition qui consistait à se référer à des modèles insulaires européens (ou des modèles continentaux) et nous permettra, en définitive, de mieux appréhender la modélisation numérique le moment venu.

Ces observations doivent aussi inciter les décideurs à tout mettre en œuvre pour que des mesures efficaces soient prises dans les meilleures délais.

Par exemple, ne faudrait-il pas :

L'objectif final est d'éviter que le littoral martiniquais ne devienne (à moyen ou long terme) aussi stérile que certains îlets.

Ne serait-il pas nécessaire aussi de sensibiliser activement les populations aux risques de transformations du paysage littoral ? Cela pourrait peut-être inciter certains usagers (principalement les campeurs) à prendre conscience des dommages qu'ils engendrent en coupant des branchages, en réalisant des feux de camps aux pieds des arbres et des arbustes ou en utilisant des véhicules tout-terrain qui dégradent les surfaces les plus fragiles.

Ce sont les petites prises de conscience individuelles qui, en définitive, permettront d'aboutir à une prise de conscience globale.

* article paru dans Antilla N°869  28 janvier 2000