<retour

( Extrait de D'où venons nous, de l' abbé Th. Moreux  l'édition de 1910   )

dou1.jpg (20450 octets)

 

INTRODUCTION

LES QUATRE ÉNIGMES

 

Qui que vous soyez, lecteurs qui avez voulu vous procurer ces pages, vous avez été conduits bien souvent à vous poser les questions que nous étudierons ensemble.
Devant le spectacle offert à vos yeux par une belle nuit d'été, alors que tout sommeille autour de vous que la nature, elle aussi, cherche le repos nécessaire à la vie du lendemain, il vous est arrivé maintes et maintes fois de scruter d'un œil inquiet le mystère du ciel étoilé.
Vous savez, sans en avoir eu la démonstration peut-être, que notre Terre est isolée dans l'espace; que le sol sur lequel nous marchons appartient à une immense sphère lancée autour du Soleil; qu'en tournant avec elle, nous sommes tantôt aveuglés par l'éblouissante clarté de l'astre du jour, tantôt, au contraire, plongés dans les ténèbres de la nuit.
Vous n'ignorez pas davantage que, bien loin, perdues dans l'immensité, ces étoiles, dont la faible lumière palpite au fond des cieux, nous offrent l'image de mondes lointains, que les astronomes les enregistrent sur leurs clichés, les comptent une à une, et que dans la statistique de l'univers, dans ce recensement commencé depuis quelque vingt années à peine, notre Terre tient une bien petite place, puisque notre Soleil représente à l'assemblée des étoiles la famille dont il est le chef.

Rivés sur notre îlot terrestre, nos corps ne peuvent même franchir la distance qui nous sépare de la Lune, notre satellite; à plus forte raison les lois inexorables de l'attraction ne nous permettront-elles jamais, très probablement, de caresser le rêve des romanciers, nous conviant par instants à les suivre vers les planètes lointaines.
Et cependant nous ne serions pas dignes d'avoir reçu les dons de l'intelligence, apanage de notre humanité, si nous ne nous étions posé bien souvent les questions angoissantes que soulèvent les mystères de l'Astronomie.
C'est que, en effet, chétif dans son corps et confiné sur un atome, l'homme est véritablement grand par son âme. Malgré sa faiblesse, il n'a pas hésité, suivant l'expression biblique, à « s'élancer comme un géant » à la conquête de la création.
Il a décuplé, centuplé la puissance de sa vue pour rapprocher les Terres soumises à l'empire du Soleil, celles qui avec la planète sur laquelle nous vivons partagent les destinées de l'astre central. Il a inventé la photographie pour fixer d'une façon immuable le dessin des cieux, et ce que l'œil, même armé des plus puissants télescopes, ne pourra jamais apercevoir, il a su, par des poses multipliées et par les plus ingénieux artifices, le découvrir aux confins d'un Univers dont les limites sont presque atteintes.
Et lorsque, après avoir construit les appareils les plus pénétrants pour étudier les étoiles lointaines, il eut éprouvé le sentiment nouveau de son impuissance à rapprocher ces mondes perdus dans les espaces inaccessibles, il a imaginé le spectroscope, cet instrument merveilleux qui lui permet au moins d'analyser les substances brûlant au sein de ces ardentes fournaises. Depuis la lueur phosphorescente des nébuleuses s'éveillant au fond des cieux, jusqu'à la lumière éclatante des soleils étincelants, l'astronome a tout analysé. Plus heureux, que les pâtres de la Chaldée et que les prêtres égyptiens, nous avons pu compter les étoiles et débrouiller peu à peu ce chaos, inextricable en apparence, des mouvements célestes.
Les calculs accumulés pendant des générations de savants nous permettent de fixer au ciel l'heure du rendez-vous de ces astres vagabonds que sont les comètes, l'instant précis où se produiront les éclipses, la durée du jour chez les astres voisins et jusqu'aux perturbations les plus compliquées des planètes lointaines.
Il ne tient qu'à vous, lecteurs, de vous initier à ces merveilleuses découvertes, de comprendre l'épanouissement de la pensée humaine sur les cimes gravies par nos devancières au cours des siècles.
Au moins, n'est-il p'as trop osé de prétendre que chacun de nous doit s'efforcer d'en acquérir les conclusions.
Oui, de toutes les sciences humaines, l'Astronomie est celle qui nous montre le mieux notre place dans l'Univers, celle qui, mieux qu'aucune autre, doit nous faire toucher du doigt ce qu'il y a de petit dans nos ambitions, d'éphémère dans nos gloires terrestres, de mesquin dans nos luttes nationales ou européennes.
Et cependant, après avoir étudié ces merveilles l'homme n'est pas satisfait encore. Il veut savoir davantage ; le spectacle du ciel le ravit, et, par un juste retour sur lui-même, il se demande pourquoi il est là, à cette place, dans cet Univers grandiose. .
Interrogez-vous, rappelez vos souvenirs; auquel d'entre vous qui parcourez ces lignes n'est-il pas arrivé de se poser les questions suivantes:

  D'où venons-nous ?
  Qui sommes-nous ?
  Où sommes-nous ?
  Où allons-nous  ?

Voilà les mystérieux points d'interrogation placés devant nous, les énigmes qu nous importe avant tout de résoudre.


D'où venons-nous ?
Notre esprit avide de savoir interroge la Science.
Nous sommes sur la Terre ; pouvons nous, à l'aide de notre esprit, de notre science humaine, de notre expérience acquise et de notre logique, remonter le cours des âges et soupçonner les états antérieurs du monde ? Comment s'est formé l'Univers, quelles transformations  a-t-il subies ? Par quels stades a-t-il passé ?
Et notre petite Terre, d'où vient-elle ? La vie n'a pas toujours été son apanage. La Géologie nous enseigne qu'à l'origine aucun être vivant ne s'agitait à sa surface et qu'un jour la vie apparut. D'où venait-elle ?
D'où vient la cellule ? la première de toutes ? S'est-elle formée au hasard, et notre science de la Mécanique suffit-elle à nous dire son origine, comme aussi ses transformations possibles ?
D'où venons-nous? Qui sommes-nous?
Serait-il vrai que cette première cellule, monère informe, aurait donné naissance, par voie d'évolution, aux plantes, aux insectes frêles et compliqués, aux animaux plus grands, à ces énormes sauriens qui ont peuplé la terre, à ces organismes que nous disséquons, aux hôtes des champs et des bois, aux éléphants comme aux mammouths, aux grands singes des forêts qui, d'après certaines doctrines, seraient nos ancêtres ?
D'où vient l'âme qui est en nous, ce principe qui sent, qui pense, qui veut, qui commande, qui a soif d'idéal, qui cherche la justice, le beau, le bien, qui demande aux religions de nous rapprocher d'un être plus grand, plus fort, plus intelligent que nous : de Dieu, créateur et organisateur suprême ?


Où sommes-nous ?
Cet Univers matériel, qu'est-il ? A-t-il des limites ? Au delà des étoiles, des dernières que découvrent nos télescopes, y a-t-il d'autres espaces, d'autres mondes, d'autres cieux, d'autres terres ?
La barrière levée par notre 1'imagination et reculée indéfiniment sera-t-elle refermée par notre intelligence et notre science positive ?
Et si nous examinons la structure de notre Univers, si nous parvenons à en comprendre le mécanisme et à en scruter les profondeurs, nous interrogerons toujours la Science et nous lui demanderons de répondre à cette question précise : Où sommes-nous ?
Quelle place occupons-nous dans l'univers immense que la science moderne révèle à nos sens étonnés ?
L'étude  des mondes lointains tout en augmentant nos acquisitions intellectuelles, nous renseignera-t-elle sur ce point important ? Nous dira-t-elle la réponse à l'énigme posée depuis des siècles par le Sphinx toujours en éveil de notre curiosité : « Où est la Terre ? Où est l'homme dans l'Univers ? Est-il seul à jouir du spectacle de ce ciel immense ? »


Très près de nous, et faisant partie de notre famille solaire, sont des planètes de toutes dimensions; autour d'elles, des satellites comme la Lune gravitent sans cesse. La vie est-elle née à leur surface ? Une cellule terrestre, transportée là-bas, pourrait-elle s'assimiler les éléments qui composent ces terres lointaines ? Nos plantes pousseraient-elles leurs racines  dans ces sols étrangers ? Nos animaux fonderait-ils à leur surface des colonies fécondes, et nous, pourrions-nous vivre et. respirer dans leurs atmosphères ?
La Science nous enseigne qu'il y a dans le ciel des millions de soleils. Ces astres étincelants éclairent-ils d'autres terres avec leurs habitants ? Les êtres qui les peuplent sont-ils alors doués de raison ou d'intelligence, ou bien le monstrueux Arcturus, et les étoiles ses compagnes, ne luisent-ils que pour éclairer des déserts, des mondes au début de l'existence où les forces aveugles de la nature préparent, sans le savoir, des terrains que jamais un être pensant ne viendrait habiter ? Mondes pleins de jeunesse dont les sols fertiles ne laisseront pousser aucune végétation ; mondes au déclin de leur vie astrale ; mondes froids et inhabitables qui n'auront jamais connu les splendeurs de la matière vivante.


Où allons-nous?
Lancée dans l'espace, où va la Terre ? Elle accompagne le Soleil, mais lui, où va-t-il ? Où nous emporter cet astre mystérieux et flamboyant ? Où est son but ?... Et ensuite ?
Accumulons les siècles, les millions de siècles, et la question reste la même : Où allons-nous ? Qui nous fixera le terme de ce voyage à travers les espaces ?
Et puis, qu'importe à chacun de nous ? Le sentiment de notre solidarité ne nous suffit pas. Après nous, l'humanité continuera.
Dans le, vide du ciel, sur cette boule roulante suivant le Soleil, d'autres générations nous succéderont, d'autres personnages prendront notre place. Là où nous sommes, là où j'écris, là où vous me lisez, d'autres viendront qui vivront leur vie, qui auront d'autres aspirations, qui aimeront, qui étudieront, qui chercheront à leur tour.
Et nous, où serons-nous?
Notre corps retournera à la terre. Soit: Memento homo quia pulvis es. Souvenons-nous
que nous sommes poussière
. Les substances ayant formé notre corps, notre chair, nos os, nos mains, nos lèvres, nos yeux, seront transformées. Elles vivront dans des plantes, dans des animaux, dans des générations futures, et nous., où serons-nous?


Où allons-nous?
S'il est vrai que le corps n'et pas le tout de l'homme, et la question vaut la peine d'être discutée, où sera notre âme ? Où nos yeux, ceux qui voient ? Où notre pensée, celle qui discute ces questions en ce moment ?
Oui, où allons-nous?
La Science humaine nous le dira-t-elle ?  Avouera-t-elle son impuissance ? Faudra pour résoudre cette dernière énigme, nous adresser à la religion, à celle que nos mères nous ont apprise sur leurs genoux.
La Science nous dira-t-elle les mystères de l'au-delà ? Car, au fond de toutes choses, nous cherchons l'immuable. Par delà notre vie terrestre, y a-t-il une autre existence ? Toute notre science est vaine si elle n'aboutit point 'à nous éclairer sur ce Sujet.

"L'immortalité de l'âme est une chose qui nous importe si fort, qui nous touche si profondément, qu'il faut avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence de savoir ce qu'il en est."
Cette pensée de Pascal reste toujours profondément vraie.


A côté des grandes Pyramides, les Égyptiens, ces merveilleux savants de l'antiquité, ont élevé un monument presque impérissable; colossale statue que les siècles ont respectée. Les sables du désert ont enfoui son corps rigide comme celui d'une momie ; ils ont été impuissants à cacher le buste surmonté d'une énorme tète qui affronte les intempéries des saisons.
Le regard tourné vers le désert, de ses yeux perçants la tête interroge l'immensité. C'est le Sphinx qui, déjà, avant l'aube des temps historiques, posait au ciel ces quatre énigmes, celles qui seules méritent d'occuper l'homme, ce roseau pensant:


D'où venons-nous ?

Qui sommes-nous ?

Où sommes-nous ?

Où allons-nous ?

mise en ligne P.L.1999

^Haut

( Extrait de D'où venons nous, de l' abbé Th. Moreux  l'édition de 1910   )