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Analyse d'un texte ancien
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forme du texteLes paragraphes sont justifiés avec des césures syllabiques et des tirets en fin de ligne. On compte 36 paragraphes, chaque paragraphe est matérialisé par un retrait de 3 caractères au début et par un retour à la ligne à la fin. Le texte est continu, il ne présente pas de saut de ligne entre les paragraphes. Le plan du texte n’est pas matérialisé par des sous-titres de sections. L’auteur n’a eu recours qu’une seule fois à une numérotation interne, il propose sur les pages 355 et 356, une itération de faits d’expériences en trois points « 1°. 2°. 3°. » Le texte comporte peu d’effets de mise en page, cette présentation en fait un document compact, il doit être lu intégralement pour en déceler un plan et le cheminement intellectuel de l’auteur. Le texte écrit en « François de 1714 » est dans son ensemble assez proche du français contemporain hormis quelques spécificités syllabiques « oi ai » et orthographiques comme pour le mot savant « fçavant » A la fin du texte (page 360), deux planches anatomiques comportant trois dessins naturalistes du poisson Torpille documentent les descriptions de l’auteur. Les trois figures sont complétées par une légende. Des caractères « * »placés dans le texte se réfèrent à une note dans la marge. La marge de gauche contient des renvois aux illustrations. Ceux-ci désignent, à l’aide d’une lettre code, un élément précis Un titre informatif« DES
EFFETS QUE PRODUIT Le
titre met
l’accent sur les « effets » (texte en majuscules) « Et »
sur la cause …
Dès le titre, on constate le parti pris de l’auteur pour un travail centré sur un phénomène, il recherche à décrire un effet et sa cause ; ce n’est pas sur l’anatomie ou le mode de vie du poisson que se fera le questionnement. Identification du
plan
du texte
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Etat des connaissances
Question de recherche
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HypothèsesLe paragraphe 11 propose de confronter les deux hypothèses avancées par les savants pour expliquer le phénomène :
M. de Réaumur exclut sans la discuter, une troisième hypothèse plus ancienne qui se contente d’attribuer au poisson une nouvelle propriété nommée : vertu torporifique
Les paragraphes
13 et 14
décrivent une série d’observations conditionnées par le choix
des hypothèses. M. De Réaumur observe attentivement le comportement du
poisson jusqu'a
prévoir quand celui-ci allait produire son engourdissement.
Les paragraphes 15 à 23 s’appuient sur des travaux d’anatomie pour identifier un muscle situé sur le dos du poisson Torpille comme étant l’organe responsable de l’engourdissement . Cet effet serait plus intense à proximité du muscle. Dans la description des nouvelles expériences, il est fait référence à l’intensité de « l’effet Torpedo ». Celui-ci s’évalue en fonction de la hauteur de l’engourdissement provoqué dans la main, le bras ou l’épaule. Le corps humain est l’instrument de détection du phénomène, il peut également dans une certaine mesure en apprécier la force.
Exposé des preuves en faveur de l’hypothèse mécaniqueLes paragraphes 24 à 26 présentent en trois points les résultats des observations pour exclure l’hypothèse des « corpuscules torporifiques » Le raisonnement présenté se fonde sur deux hypothèses ; il vise à exclure une hypothèse pour confirmer la seconde dite mécanique ou percussion subite. Autres expériencesLes paragraphes suivants 27 à 32 poursuivent la narration de diverses expériences et observations. On expérimente un contact avec le poisson par l’intermédiaire de divers objets, on teste l’effet sur d’autres animaux , des poissons et même sur un canard… Les derniers paragraphes rapportent des histoires concernant d’autres poissons de contrées éloignées, qui présentent des propriétés semblables aux Torpilles des côtes françaises Enfin, le texte se termine par le constat suivant : à sa mort, le poisson ne présente plus aucun danger et il n’est pas impropre à la consommation humaine. Les
circonstances de "l'effet torpedo" sont clairement exposées mais bien
que l’hypothèse
mécanique soit préférée par l’auteur, il n’y a pas de retour sur
l'une des questions initiales : la cause de l'engourdissement
provoqué par le poisson sur les êtres qui le touchent. Peu de savants se sont penchés sur les effets d’engourdissements produits par certains poissons. M. De Reaumur cite des physiciens ayant expérimenté l’effet du poisson Torpille Redy et Borelly. Il s’appuie sur les travaux de description anatomique de M. Lorenzini pour identifier le muscle à l’origine de l’effet. Il cite enfin Aristote et Pline qui évoqueraient l’usage de cette propriété comme un moyen à la disposition de la Torpille pour attraper des poissons. --------------------------------------Le recours aux hypothèses est l’élément déterminant dans ce travail. Les choix opérés par M. De Réaumur ont conditionné ses dispositifs expérimentaux, l’angle d’observation et l’interprétation des résultats. Les hypothèses retenues sont celles proposées par ces auteurs : Redy, Lorenzini et Perault pour les « corpuscules torporifiques » et Boreilli pour l’hypothèse mécanique. Réaumur n’a pas retenu la troisième hypothèse concernant l’existence d’une propriété spécifique, il n’en a pas non plus formulé une nouvelle. Il s’est attaché à réfuter une hypothèse et en a déduit par défaut, l’acceptation de la seconde ! Le texte de M. De Réaumur est celui d’un érudit marqué par une culture naturaliste de la fin du XVII ème siècle. Il lui est nécessaire de « torturer le vivant » y compris sa propre personne pour appréhender le comportement physique du monde. Il faut noter que les phénomènes liés aux décharges électriques n'était pas encore étudiés par les physiciens en 1714 ; il faut attendre les premiers travaux de François du Fay et Jean Antoine Nollet en 1730. Par
une approche descriptive, il a démontré l’existence d’un
phénomène encore contesté à son époque ; l’engourdissement
provoqué par le poisson Torpille sur ceux qui le touchent. Il en a
cerné les conditions de manifestation, a identifié la mise en jeu
d’un muscle spécifique au Torpille, il a confronté ses propres
observations à l'état des connaissances de l'époque. Cependant ni les
hypothèses,
ni le dispositif expérimental mobilisé en 1714, ne lui ont permis
de conclure sur la nature du phénomène.
Patrick Lachassagne (2005)
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